[Déplacé depuis La Campagne] [Aventure] Où est le Docteur?

Après avoir quelque peu tâtonné, le peintre sort de la pension et ramasse le flambeau qu'il avait laissé sur le seuil dans sa ruée aveugle. Il le lève et dissipe quelque peu le brouillard.

Le masque apparaît, dressé sur un des agresseurs saucissonné qui se trémousse et se tortille, grognant et cherchant malgré tout à se dépêtrer.

De l'autre côté des maisons, la cavalière rebrousse chemin, cabrant son cheval. Elle voit une ombre sauter un balcon à l'étage d'une maison un peu en retrait. L'ombre détalle.

"Désolé d'avoir disparu, mais je craignais de prendre un mauvais coup... Je comptais ressortir par-derrière pour aller chercher le guet, mais j'avais oublié de compter ma nyctalopie déficiente."

J'abandonne ce ton légèrement penaud pour féliciter le masque :

"En tout cas, vous vous fort bien débrouillé ! N'est-ce pas, monsieur le malandrin du dimanche ?" finis-je en titillant le prisonnier.


Distinguant le cheval du docteur qui émerge de la brume :

"J'espère que les deux autres s'en sont tirés eux aussi sans problème."

Se grattant le bas du masque de l'index ganté:

"Moui moui, bon réflexe, si ce monsieur qui semble obstinément muet ne s'était pas mis dans mon chemin je serais allé faire la même chose. Par contre j'ai bien peur de ne pas savoir où est notre ami le docteur, si la demoiselle est clairement partie à la poursuite des autres brigands."

Pointant de l'autre index le captif, puis la pension:

"Si vous le voulez bien, rentrons-le à l'intérieur, je resserrais ses liens avec ce qu'on y trouvera, et je vous laisserais l'interroger au chaud pendant que je courrais chercher de l'aide, la demoiselle ou les gardes... ça vous va ?"

Avisant l'artiste de haut en bas:

"Sans vouloir vous vexer, s'il en reste embusqués au détour de la rue, je pense m'en sortir mieux que vous, et si vous vous barricadez un peu loin des fenêtres je ne pense pas qu'ils viendront vous ennuyer de toutes façons."

Alors que je course avec ma monture l'homme qui tente de fuir, je lâche un cri de rage en donnant un coup d'épée sec et rapide dans le vide.

Plus haut, presque au même moment, l'homme trébuche et roule sur le sol du balcon qu'il traversait. On croit distinguer un juron.

L'air soulagé par la proposition de Korail, je réponds :

"Avec plaisir !"

Sur ce, je me baisse pour attraper les bras du prisonnier et le porter à l'intérieur.

"Prenez les jambes, je vous prie. Faudrait pas l'oublier dehors, il risquerait de prendre froid."

Mes mains décrivent un arc pour se joindre en un unique clap, puis je les frotte comme avant une dure besogne, et enfin j'attrape les jambes du malheureux:

"Paaaarfait, faites juste attention avec ce flambeau, de ne pas bouter le feu à notre prisonnier, ni à ma corde, ni de l'éteindre... m'est avis que vous serez plus rassuré avec. Oh hisse !"

Le prisonnier continue de se débattre mais c'est de peu d'effet, saucissonné et maintenu comme il est.

La pension est, à l'intérieur, plutôt propre et modeste si l'on oublie le chaos provoqué par l'artiste un instant plus tôt. L'entrée donne directement sur un volée de marche et le mobilier cossu porte les napperons brodés main qui indiquent la veuve aux commandes de l'établissement.

Un rapide coup d’œil circulaire dans la pièce me fait dire :

"Je crois que je vais ranger un peu quand vous serez parti... Si Mme Grech voit sa maison dans cet état, je crains qu'elle ne fasse une attaque."

Une fois le prisonnier posé, je cherche un ustensile plus adapté que ma torche.

Je profite que l'homme soit à terre pour le rattraper et observer les alentours.

Dans la pension, un chandelier a été renversé. Les lampes à huile qui éclairent les pièces pendant la veillée sont éteintes.

Se grattant l'arrière de la tête en faisant le tour de la pièce et jetant un oeil appuyé dans les voisines, à la recherche de cordons, ficelles, torchons, ou couteaux:

"Moui moui, faites donc cela..."

Si dans mon tour rapide je trouve des trucs à nouer pour raffermir les liens du malandrin, notamment ses chevilles et ses poignets, je m'y attèle rapidement, et si je trouve des couteaux j'en prends quelques-uns. Je sors ensuite en trottinant vers la ruelle où j'ai vu la jeune fille et sa monture disparaître, tendant l'oeil et ouvrant grand l'oreille.

"A tout de suite ! Soyez prudent !"

La cavalière est dans une ruelle étroite. C'est l'arrière de deux maisons de part et d'autre des rues principales, qui forment cet étroit couloir. Les maisons sont hautes, plusieurs étages. Celle où l'autre s'est enfui a des hauts balcons entourés d'une balustrade qui fait l'angle vers les façades avant et arrière.
La ruelle est encombrée et plus sale que la rue principale. Le sol est de simple terre battue et l'odeur rance est très forte.
On ententd, plus haut, un bruit de verre.

Devant la pension, la brume se dissipe déjà. Après être passé en cuisine et avoir utilisé le linge de la grande armoire sous les escaliers, le masque sort de la pension. Le prisonnier est attaché sur la chaise qu'occupait Mme Grech plus tôt dans la journée.
Dehors, la rue est à nouveau déserte et personne n'est en vue.

Pendant que Korail sort :

"Bonne chance à vous aussi !"

Puis, me retournant vers le prisonnier :

"Et maintenant, à nous deux. Mais tout d'abord..."

Je sors mon carnet et y dessine son faciès.

La jeune fille, avec un soupir de fatigue, se hisse sur le balcon, vide si l'on excepte les débris de la vie des habitants de l'immeuble. Une fenêtre brisée raconte ce qui s'y est passé.

Le masque traverse rapidement la ruelle vide. Quant au malandrin, il est difficile de deviner son visage sous la cagoule et le foulard qui le masquent.

Essoufflée, je reprend mon arme et rentre à l'intérieur du bâtiment en restant particulièrement vigilante à une éventuelle embuscade.

Le masque débouche sur une autre rue résidentielle, vide elle aussi. Elle ressemble à la rue qu'il vient de quitter, mais les immeubles sont plus haut et abritent certainement plusieurs familles.

La cavalière pénètre dans une chambre, un lit propret, une armoire, quelques habits sur un chaise... Elle entend plus bas un bruit dans les escaliers.

Je tente de rattraper le fugitif quitte à descendre les escaliers deux par deux une fois atteint.

La jeune fille peine cependant à reprendre son souffle et ne peut se précipiter dans cette poursuite. Elle doit reprendre son souffle et traverse lentement une salle à manger modeste avant d'arriver dans un long couloir rempli de portes qui donne sur un escalier en colimaçon.

Le visage du voyou est plutôt jeune, il n'a certainement pas encore atteint la trentaine, plutôt sale et chargé de rage. Il a des cheveux qui se sont ébouriffés sous la cagoule,mi-longs, bruns, un peu filasse et mal peignés. La tête est assez ronde, presque sympathique jusqu'aux sourcils épais, aux poils solides, plus solides et serrés que la chevelure. Les yeux qui fulminent sont enfoncés dans les orbites, encore fiers, la rage qui y brûle est froide comme le regard est fixe.
Le nez a une forme unique, certainement cassé. Il s'avance fièrement avant de suivre une ligne brisée vers la droite.
Au dessous, le poil commence à se voir. C'est encore une ombre de quelques heures qui fume un peu le menton et les joues. Les lèvres pincées, écarlates, sont entourées d'un pli, une moue qu'il contient comme s'il prenait la pose.

Je me dirige vers l'escalier et malgré la fatigue qui me gagne je tente de les descendre rapidement.

La jeune fille s'épuise dans sa course et doit concentrer toute sa volonté pour avancer malgré le point qui lui vrille le côté et l'oxygène en feu dans sa gorge et ses poumons.

Elle manque la première marche et se rattrape du bras au dernier moment à la rampe. Elle continue avec précaution.

Je continue de descendre les marches.

Une fois mon croquis terminé, je claque mon carnet en rangeant mon fuseau, puis me pose face à l'inconnu.

"Bon."

Je le dévisage quelques instants tout en me caressant pensivement le menton. De toute évidence, Khôril n'a pas l'air de savoir comment s'y prendre pour entamer l'interrogatoire. Enfin, je me lance :

"Monsieur, je n'irai pas par quatre chemins : j'ai autre chose à faire de bien plus important que perdre mon temps à vous tirer les vers du nez. Par ailleurs, si vous souhaitez désespérément vous accrocher à votre mutisme, je vous rappelle que le Guet ne demande pas mieux pour vous soumettre à la question. Donc ou vous déclinez gentiment votre identité et les raisons qui vous ont poussé à commettre cette série de troubles à l'ordre public, attaques à main armée, tentatives d'homicide - passons sur le reste de la liste - ou je passe le temps qu'il nous reste à décrire les innombrables supplices que ta pauvre personne risque d'endurer. Compris ?"

Je m'arrête pour laisser au prisonnier le temps de comprendre ma tirade et reprendre mon souffle, puis finis sur un ton cajoleur :

"Mais bon, nous sommes entre personnes sensées, je pense que nous allons pouvoir arriver à un accord qui satisfasse les deux parties, non ?"

La canaille fixe le peintre pendant tout son discours, fier au début, parfois surpris et laissant apparaître une sorte de rictus sournois à plusieurs reprises.

A la fin, il prend la parole, la voix est plus claire qu'on s'y attendrait: D'habitude, on commence par se présenter...

La jeune fille poursuit sa descente avec peine. Les escaliers semblent interminables.

Dans la rue, le masque aperçoit le cheval de la jeune fille qui sort avec nonchalance d'une ruelle.