[Déplacé depuis PJ - Loki] [Aventure et SPOIL] Cahin-caha!

Je regarde derrière moi, passant juste un oeil par-delà le fauteuil. Je tente de cacher l'inquiétude qui me submerge afin de laisser penser que je suis serein malgré la situation.

Le docteur est assis sur un fauteuil imposant, au dossier interminable. Le capiton est luxueux, les accoudoirs sculptés et l'ensemble semble plutôt ancien. L'immense dossier bloque le regard si bien qu'il est difficile de distinguer plus qu'un bras de celui qui se dissimule derrière.
Le docteur se sent observé.

Bonsoir. Je ne sais pas quelles sont ses manières, mais nous aurions peut-être pu nous entendre sur une rencontre plus planifiée et moins sujette à un départ houleux...

Je parle sur un ton laissant pointer l'indignation. Je ne me lève pas.

Le silence semble attendre que le docteur continue...

Hum... Peut-être pourriez-vous faire montre de courtoisie en commençant par vous présenter ?

Je fais mine de me lever en prenant appui sur les accoudoirs du fauteuil.

Immédiatement mais avec une douceur surprenante, une gigantesque main se pose sur l'épaule du praticien.

Une voix lourde et veloutée, au genre indéterminable, se lève soudain des fauteuils sans qu'on puisse apercevoir celui qui parle.

Sérieusement, Docteur? Après toutes ces précautions, vous pensiez que ce serait aussi simple?

Depuis l'autre côté du cercle, une nouvelle voix reprend:

Mais commencez plutôt par vous désaltérer.

Un homme portant un masque, une sorte de loup élégant, et une tenue sombre, pénètre dans la lumière en portant un plateau. Dessus, on trouve un verre, une tasse, une petite théière, une carafe d'eau et un flacon dont le liquide présente des reflets ambrés.

L'homme présente le plateau au Docteur.

Regardant à tour de rôle la coupe et les formes que je peux distinguer au-delà du cercle de lumière, je cherche mes lunettes à l'intérieur de mon pardessus, et les chausse lorsque je les trouve.

Puis, d'une main légèrement tremblante, je prends le verre et me serre du liquide ambré, en marmonnant un Je vous remercie, qui sort plus par habitude qu'autre chose.

Avant de boire, j'approche le verre de mon nez comme un oenologue pour tester un grand cru, afin d'essayer de déterminer ce que je m'apprête à boire. Si la boisson me semble sans danger, je trempe mes lèvres dedans, puis repose mon bras sur l'accoudoir.

Enfin, au bout de quelques secondes, je lâche :

Si vous m'avez fait venir, si l'on puit dire, je suppose que c'est pour me parler ou me questionner. Certainement sur cette affaire de morts mystérieuses. Dans tous les cas, je vous écoute... Vous pouvez commencer, la situation et le décorum sont suffisamment impressionnants sans que vous ayez besoin d'en rajouter, finis-je avec un petit rire stressé.

Même en chaussant ses lunettes, le docteur ne parvient pas à percer l'obscurité. Il peut à peine deviner la silhouette de fauteuils imposants.

Dans son verre, un objet lourd dans la paume, rond et finement taillé, le liquide odorant et profond ressemble à un vieil alcool, un cognac peut-être...

C'est mieux.

La voix, traînante, vient de la droite.

Mais ne dramatisons pas plus qu'il n'est nécessaire.

Une nouvelle voix, en face du docteur cette fois.

Oui, voyez ceci comme une simple conversation, après tout, il est rare qu'un étranger soit si bien introduit dans la ville.

Je prends une gorgée de cognac.

Oui, enfin, sans vouloir vous offenser, être introduit de cette manière ne me convient guère. La perspective d'un repas chaud avec des personnes à la compagnie plus agréable m'allait très bien. De plus, (je tapote l'accoudoir de mon index gauche), tout ce faste n'est rien comparé à la somptuosité de Chaville et de ses habitants. Et j'ai quitté la capitale du Gabriel et tout ce qu'elle pouvait me promettre en terme de succès et de qualité de vie pour de bonnes raisons. Par conséquent, n'essayez pas de me faire considérer le fait d'être assis ici avec vous, dans cette pièce, comme une chance pour moi, je vous prie. Continuez, je suis bine désireux de connaître le but de cet entretien...

Et j'ajoute dans ma tête : Même si l'issue me fait peur...

Allons, Docteur Rousseau, inutile de chercher à enchérir. Nous en savons assez sur vous.

Encore une autre voix, encore un peu plus loin dans le cercle.

Et vous pourriez reconsidérer toute la chance que vous avez, au moins, à être assis en notre présence.

D'autres options ont été envisagées.

Mais passons, comme nous l'avons dit, nous sommes peu intéressés par qui vous êtes ou d’où vous venez. Dites-nous plutôt ce que vous avez fait dans cette ville.

La dernière vois, plus douce, est un peu plus proche du docteur.

J'ai un temps d'arrêt lorsque j'envisage les "autres options".

Je pense que vous en savez déjà une partie : immédiatement après être arrivé, j'ai porté secours à un jeune garçon qui s'était fait attaqué par une créature que je n'ai pas vue. Puis, la milice m'a sollicité pour comprendre comment étaient mortes certaines personnes retrouvées il y a quelques jours. La décapitation me semblait pourtant évidente... Enfin, j'ai tenté de trouver quelque repos, mais je me suis fait enlevé. Voilà...

C'est la même voix qui reprend.

C'est comme cela qu'on fait la conversation à Chaville de nos jours? Nous sommes surpris, docteur, nous attendions plus de charmes à votre discours!

Je réponds sur le ton de la conversation avec un petit sourire agréable, mais clairement forcé.

Veuillez m'excuser. Premièrement, la haute société et ses manières me pèsent. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai quitté le Gabriel. Deuxièmement, vous comprendrez certainement qu'un enlèvement et une perspective incertaine quant à l'issue de cette conversation ne me donnent guère envie de faire d'effort particulier pour alambiquer inutilement mon récit...

Pourtant, je suis sur que vous comprendrez aisément tout ce que vous pouvez retirer à rendre ce moment le plus agréable possible. Il ne s'agit pas de compliquer votre tournure, ou de la contraindre, mais bien de faire honneur à vos manières, les vôtres font face avec grand cœur à toute les situations dit-on.

Pour le reste, qui sait, peut-être n'espérions-nous qu'un conte pittoresque...

Il semble qu'une seule voix ait pris l'initiative de la conversation, mais il est difficile de lui donner un genre, ou un age...

Ecoutez, dites-moi directement ce que vous voulez savoir en particulier. Je vous ai raconté ce que j'avais fait cette soirée, je ne vois pas quoi ajouter de plus. Alors si vous avez besoin de plus de détails, dites-moi sur quel point, je vous répondrez de mon mieux.

Une certaine lassitude, après cette longue journée, envahit ma voix.

Je leur sert le récit de ce qui s'est passé dans ses moindres détails pour l'épisode de la rue, mais concernant les corps, je ne laisse rien entendre qui puisse laisser penser que les deux affaires soient liées. Les morts sont dues à une attaque de bête, inconnue, après passage à tabac pour la femme, et les têtes ont disparues... Je ne donne évidemment pas le nom du capitaine, ni d'aucun des hommes ou femmes que j'ai pu rencontrer aujourd'hui.

La conversation est souvent relancée par une question discrète mais précise, sur une couleur, une odeur, un détail de vêtement ou une tournure de phrase qui fait penser que les interlocuteurs du docteurs sont passablement renseignés...

Résigné, je donne les détails nécessaires pour répondre à ces questions.

Le fil de tout ces discours ne semble pas désagréables mais certaines questions sont pourtant affilées.
Le docteur parle longtemps, souvent relancé. Lorsque la conversation semble se terminer, que le docteur se tait, la salle est silencieuse.

Le verre vide à la main, je me tais, observant la pénombre devant moi, et attendant la suite des événements avec une certaine appréhension...

Merci docteur, nous vous prions évidemment de nous excuser pour le dérangement.

dit encore une fois une voix désincarnée.

Je ne dis pas un mot et attends qu'il se passe quelque chose (une invitation à me lever, un sac sur la tête...) en regardant de gauche et de droite pour tenter d'apercevoir un détail qui permettra de retrouver ce lieu si j'ai l'occasion d'en parler à quelqu'un...

Une lourde fumée aux odeurs d'épices commence à se répandre sur le sol de la pièce. Elle monte rapidement à la tête.

Je me lève d'un bond en voyant cette fumée surgir de partout, et la regarde arriver de partout avec une panique grandissante.

Mais qu'est-ce que... ?