[Déplacé depuis La Campagne] Questeur et questions

Professionnellement, les gardes ont exploré la scène de la bataille et découvert les deux corps. Assez rapidement, une autre patrouille a rejoint la première pour emmener les protagonistes vers la tour.

Pendant ces quelques instants, le masque et son compagnon ont pu comprendre que les gardes connaissaient leur prisonnier, une petite frappe d'un gang montant dans les bas quartiers de la ville, un voyou plus bavard que malin mais se donnant des airs. Les gardes hésitent entre la satisfaction devant le coup porté aux crapules qui écument la ville et la nervosité devant l'ampleur de la scène, plutôt spectaculaire à présent que le brouillard s'est levé et que de nombreuses torches l'illuminent.

Arrivés à la tour, le peintre et son compagnon aperçoivent Aggrippa Rabirius Lucan qui vient à la rencontre d'un des membres de leur escorte et s'occupe du prisonnier tandis qu'ils sont conduits à une guérite sous les arcades.

A l'intérieur, la cavalière les attend, comme ils s'en sont douté en apercevant son cheval qui piaffe en reconnaissant celui du Docteur qui les a accompagné.

Dans la grande rue, la foule est silencieuse, groupés autour des feux, les gens semblent dormir à même la rue, veillés par des silhouettes voilées.

La guérite est assez grande, un banc de pierre fait le tour du mur. Sur un des pans, la jeune fille dort, recouverte d'un manteau à la coupe martiale. En face, un garde un peu âgé, un peu pataud, est assis devant une petite table recouverte de brocs et de gobelets.

Attendez ici dit un de ceux qui les avaient accompagnés avant de ressortir.

Passant en revue la salle, je pars d'un grand bâillement, la main droite devant la bouche, puis m'adresse au peintre à voix basse :

"Visiblement la réputation de l'effronté nous aidera à tenir le beau rôle sans trop d'efforts... je vous suggère de suivre l'exemple de toute la ville et de notre estimée collègue d'infortune. En tout cas, moi j'me pose un peu !"

Dont acte, je m'assieds sur le banc non loin de la jeune fille, et m'adosse aussi confortablement que possible pour économiser les dernières forces que cette nuit épuisante m'a laissées.

"Soit. Même si je n'apprécie pas d'être privé de liberté comme un vulgaire coquin, mieux vaut ne pas faire d'esclandre. La nuit porte conseil, dit-on, alors dormons et espérons que la situation s'arrange demain."

Suivant l'exemple de Korail, j'essaie de trouver une position confortable, pestant intérieurement contre les gardes trop sourcilleux.

Pour l'instant, vous êtes libres, votre présence est requise de l'enquête prononce le garde à travers sa moustache. Le questeur devrait bientôt être là et nous y verrons plus clair.

Il joue avec un des gobelets posés devant lui. Vous désirez peut être boire une tisane? Votre collègue l'avait demandé et faut bien que ça serve...

M'extirpant avec difficulté de ma position de confort, comme si j'en coulais à peine supporté par mes os, je tends une main mollasse vers la table et les goebbelets, répondant à voix basse pour ne pas déranger les autres loques :

"Z'avez bien raison, faut pas que ça s'perde ! Et on a tellement peu eu d'occasion d'avaler quoi que ce soit depuis cet après-midi que ça m'évitera le dessèchement."

Sans un mot, l'homme verse un liquide fumant dans un récipient ébréché. Son bois poli et usé est étrangement agréable au toucher. L'odeur de la boisson est un peu lourde, sauvage comme un pré fauché mais pas désagréable.

Dehors, on entend des éclats de voix.

Je m'agite un peu dans mon sommeil.

J'accepte la proposition du garde après quelques instants de réflexion :

"Boire quelque chose ne serait pas de refus en effet après toutes ces émotions !"

C'est juste de la tisane, quoi. dit le moustachu en versant le liquide chaud.

Quelques instants plus tard, le prêteur dont les parements pourpre luisent, presque sinistres, à la lueur des lumignons pénètre dans la pièce. Il ne jette qu'un rapide coup d'oeil et de suite enferme une tablette scellée dans un coffre du mur.

Il se retourne ensuite.

Voyons...

"Merci."

Je commence à boire, m’interrompant lors de l'entrée du prêteur pour le saluer brièvement, avant de continuer à siroter la tisane en observant son manège.

Pour le coup, coupé dans mon envie de savourer enfin un peu de tranquillité, tenant toujours mon récipient à deux mains je m'avance vers le nouveau venu à l'air officiel.

"Eh bien oui, voyons vite même, tant que nos yeux tiennent encore plus ou moins ouverts. Que l'on en finisse et puisse tous prendre un semblant de vrai repos."

L'homme se redresse à peine. Par son manteau ouvert, on aperçoit la pourpre de la ligne qui borde sa toge formelle.
Ses yeux profonds détaillent le masque des pieds à la tête tandis qu'il laisse le silence retomber. D'une voix basse et claire, mais un peu lasse, il reprend la parole.

Quand je le dirais, uniquement lorsque j'aurais terminé, étranger.

Sans se presser, il sort alors tablettes et stylets puis, posément, entreprend de relever l'identité du masque et de l'artiste.

Alors se déroule la procédure...