[Déplacé depuis La Campagne] [Aventure]Le Guet

Après avoir suivi le cortège sans expression particulière, je m'approche du dispositif, en approche mon visage, et le tapote de mon index ganté, d'un air qui se veut docte, tout en parlant.

"J'espère et suppose que cette machinerie infernale a une utilité plus grande que le simple spectacle qu'elle offre, pour justifier toutes ces marches labyrinthiques et dispositifs de défenses dignes du chhâteau de l'Ange... Si c'est bel et bien un canon qui puise de la puissance dans toutes ces choses qui nous entourent, je ne donne pas cher de toutes ces vitres !"

Je réponds à Opiter d'un air ravi :"Toujours est-il que vous avez bien choisi le lieu. La luminosité y est superbe !"

Après avoir fini d'examiner les corps, je prends un instant pour réfléchir, puis annonce :

Votre première victime est l'homme trouvé en ville, puis la femme, peu de temps après. Elle était attachée, et comme je vous l'ai dit, il semblerait que les créatures l'aient attaquée auparavant sans la tuer. Enfin, l'homme trouvé en même temps que la femme.

Je regarde Inigo, attendant un signe ou une question.

Dans la salle de l'aérotonon, Opiter Peltrasius Ulfila
Cet engin et ses semblables servent en effet à défendre la ville, mais s'il plaît à Dieu, vous ne les verrez pas en usage. Quant au chemin que nous avons parcouru, tous les donjons de l'Empire ont des étages indépendants, si on les a bien conçus. Nous sommes ici pour la lumière, il me serait difficile de trouver une pièce plus inondée de soleil, mais si vous voulez profitez de la vue pendant que notre artiste s'abandonne à son art.

Les deux gardes qui vous accompagent déposent leurs paquets sur la table. Un de ceux qui tiennent la pièce est près de la porte, les autres près de la pièce.

Dans la morgue, Inigo prend quelques notes sur un carnet:

Et que pouvez-vous dire des blessures de la femme?

Je fait le tour de la coupole admirant la vue puis essayant de repérer les écuries où pourrait être garder mon cheval.

Je me retourne vers Opiter, l'air légèrement surpris :

"Holà, doucement ! Avant de commencer, je dois récupérer mon matériel dans ma chambre... si je gardais l'intégralité de mes ustensiles sur moi, je ne pourrais pas me promener aussi librement, n'est-ce-pas ?"

J'accompagne cette dernière remarque d'une pirouette et de quelques pas de danse.

"D'ailleurs, ce sera l'occasion de pouvoir enfin vous guider jusqu'à la pension" finis-je d'un petit clin d’œil vers Korail.

Pendant qu'Opiter confirme la fonction d'arme du dispositif, je m'en écarte à reculons, doucement, me frottant l'index qui le touchait contre le pouce. A la mention de la pension, je me tourne vers Gabriel et, après un claquement de doigt et l'avoir pointé toujours du même index comme pour tirer sur sa bonne idée et l'épingler entre ma main et son clin d'oeil, je déclame:

"Ah tiens oui, la pension ! Avec toutes ces marches, ces détours et ces choses qui brillent -petit signe du doigt vers l'escalier, puis le canon puis les gardes en écailles- j'ai bien failli l'oublier et me retrouver dehors. Merci beaucoup de me l'avoir rappelé, j'espère à temps !"

Je retourne près du corps de la femme, et l'observe à nouveau quelques instants avant de répondre :

Et bien, je dirais que certaines datent de quelques semaines, voire mois. Ces marques aux poignets montrent qu'elle était attachée. J'ai peur que la malheureuse ait servie de garde-manger.

Je réprime un frisson d'effroi.

La baie vitrée, orientée au sud-ouest, prend presque tout un mur de la pièce. On a une vue plongeante sur la tour qui permet d'apercevoir plusieurs chemins de ronde, dissimulés de l'extérieur par la perspective, qui défendent l'édifice. La vue donne sur la porte et le quartier des artisans de la ville. On distingue plusieurs manufactures imposantes et le quartier des tanneurs est spectaculaire, le dessin des bains et des cuves forme un damier coloré, irrégulier et traversé de lignes de linges ou de draps, comme un grand plateau de jeu vu de cette altitude.
Il est cependant difficile de voir le pied de la tour, dissimulé par les draperies et les décorations du Deuil.

Opiter Peltrasius Ulfila fronce les sourcils aux paroles de Gabriel.

C'est fâcheux, vous auriez pu m'en parler auparavant. Mais vous avez de quoi faire quelques croquis je crois? Dans ce cas mes hommes peuvent se charger de récupérer votre matériel et de récupérer des chambres pour vos camarades...

Dans les sous-sols, Inigo continue de prendre des notes.

En regardant la femme, le docteur est étonné par les cupules. Si certaines ressemblent à de grosses morsures ou des piqures d'araignée, d'autre font penser que la peau a éclaté de l'intérieur. On trouve une douzaine de ces marques sur le corps exposé.
En s'intéressant à la cicatrisation, le docteur ne peut que devenir aussi livide que les cadavres. En effet, les plus anciennes sont certainement anciennes de plusieurs années, entièrement cicatrisées, la chair agressé s'est reformée en laissant des nodules et des cals visibles.

"Il y a eu un malentendu regrettable. Je pensais que cette visite n'avait pour objectif que de choisir un lieu favorable à mon labeur, chose qui, sans vouloir nullement vous offenser, me paraissait difficile dans un ouvrage fortifié. Je pouvais pas de me douer de l'existence de cette formidable machine et de cette non moins admirable coupole !"

Un petit sourire de connivence, et je poursuis.

"Bref, j'ai maintenant à faire le rapide chemin jusqu'à ma chambre récupérer le reste de mon matériel. Envoyer un membre du guet serait tout aussi rapide - je néglige le temps d'esquisse devant le temps que me prendra la colorisation, évidemment. La difficulté, voyez-vous, réside dans le fait que l'encrage préliminaire impose un sans-faute, car toute erreur va d'un grattage plus ou moins prononcé à, bien entendu, la reprise ex nihilo de l'ouvrage."

M’apercevant subitement que je risque de perdre mon auditoire si je lance dans un cours magistral, je passe après un court instant de réflexion de passer directement à la conclusion.

"Tout simplement, il m'est impossible de préférer confier mon précieux matériel à un inconnu, même agent municipal. N'y voyez pas simple fétichisme - quoiqu'il puisse jouer, en témoigne l'attachement que porte mon confrère artiste à son masque - mais je crains que cela endommage bon nombre d'instruments ou de simples, dont l'énumération des précautions risquerait non seulement une chronophagie bien supérieure mais en plus un risque d'oubli non négligeable. Vous ne confieriez pas votre... aérotonon, c'est ça ? à la première personne venue sans surveillance, fusse-t-elle chaudement recommandée."


Je laisse quelques secondes à Opiter pour réfléchir, puis finit enfin :

"Cependant, j'accepterais volontiers que vous détachiez un membre du Guet pour m'accompagner, si vous jugez que la sûreté des rues n'est plus suffisante."

Au loin, à travers la baie, on aperçoit la campagne, qui s'étale en vastes prairies vers le sud. A l'ouest, la vue est barrée au loin par les montagnes, un trait bleu et blanc qui se confondrait presque avec les colonnes de nuages s'échappant au dessus.

Pendant tout le discours du peintre, Opiter Peltrasius Ulfila reste de marbre. A la fin, il se tourne vers un de ses hommes.

Amenez-moi un swip, rapidement, et pensez à nos invités.

Puis se tournant vers le peintre, avec un demi-rictus.

Si j'ai de la sympathie pour les gens de votre sorte, vos caprices nous font perdre un temps précieux. Ma journée est chargée, je vous accorde cette dernière frivolité, après quoi, si cela devait se reproduire, nous devrions reconsidérer notre marché. Le tesserarius Hostus Nemetorius Maro vous accompagnera."

Il se retourne vers le reste du groupe:

Il nous reste à trouver un moyen de nous occuper, mais si je ne m'abuse, nous avions quelque affaire sur le feu.

Je fais part à Inigo de mes dernières observations. Après avoir jeté un oeil au corps de la femme, visiblement affecté par ce que je viens de comprendre, j'ajoute :

Inigo, j'ai l'impression que cette femme a servi de nourriture, mais également de nid pour ces choses...

A la dernière phrase du capitaine:

"En effet, il me semble que vous attendez toujours que je vous raconte ma rencontre avec Camille même si je ne suis pas sûr que cela vous sera d'une grande aide.

En tout cas je suis ravie d'avoir eu l'occasion de voir une caserne de l'intérieur de mes propre yeux et non à travers les histoires de mon père."

Mes yeux semblent regarder au loin à travers la baie en direction de la campagne.